Construisons Ensemble LEnvironnement et la Santé des TERritoires

Carpentras

Gestion des déchets

Carpentras

Gestion des déchets

Caroline Arnau, responsable du Département Gestion des Déchets de la Communauté d'Agglomération Ventoux Comtat Venaissin (CoVe), présente le service de broyage des végétaux à domicile mis en place par son département. Elle revient sur la collaboration étroite avec l’Université Populaire Ventoux, délégataire d’une partie du broyage à domicile.

Interview de Caroline ARNAU, Communauté d’agglomération Ventoux Comtat Venaissin - département Gestion des déchets

Caroline Arnau présente le service de broyage des végétaux à domicile mis en place par son département. Elle revient sur le processus d’élaboration de ce projet et les avantages économiques et écologiques qu’il représente pour la collectivité et les citoyens.


A quelles problématiques répond votre action ? 

Peu de gens savent qu’il est interdit de brûler des végétaux chez soi à cause de la pollution de l'air que cette pratique engendre. Certains maires nous rapportaient avoir vu des brûlages dans leurs communes. Nous-mêmes, nous voyions des fumerolles s'échapper un peu partout de la plaine lorsque nous circulions sur le territoire. Notre action permet donc tout d'abord de trouver une alternative au brûlage à l'air libre des végétaux. C'était la priorité dans le lancement de ce projet. Nous souhaitons également éviter les déplacements des habitants en déchetteries parce que nous avons remarqué que nos sites peuvent être saturés sur certains jours et créneaux horaires. Le flux de circulation pour accéder au site et sur le site lui-même en devient compliqué. Le troisième volet concerne le traitement des déchets qui coûte de plus en plus cher, l'objectif est donc de faire des économies. Sur la communauté de l'agglomération, nous avons une plateforme de compostage des végétaux. Une telle structure nécessite du personnel, des engins, du carburant, de la maintenance sur le broyeur, le crible, etc. Il faut aussi procéder à la revente du compost. Il y a toute une économie sur laquelle nous souhaitions agir. Nous nous sommes donc tournés vers la prévention à grande échelle des déchets, en faisant gérer les végétaux in situ, chez l'habitant.

Dans quel contexte s'inscrit cette action ?

Jusqu’à présent, nous agissions dans une politique de gestion des déchets. Cette nouvelle action découle du désir de la communauté de l’agglomération de se tourner davantage vers une politique de prévention.

À quels enjeux du territoire répond le projet ?

Ce projet répond avant tout à des enjeux économiques et écologiques, qui sont vraiment au centre de notre action.

Y a-t-il eu un diagnostic ? L'action s'est-elle réalisée sur un ressenti ou sur une priorité politique ?

L'action s'est réalisée sur un constat. Nous voyions que les apports de déchets végétaux ne cessaient d'augmenter et des problèmes de sécurité ont émergé sur les sites des déchetteries lorsque les caisses commençaient à déborder. Toutefois, une fois ce constat réalisé, les politiques ne nous ont pas suivi les yeux fermés, il nous a fallu porter le projet auprès d’eux pour le faire accepter. Pour ce faire, nous sommes passés par l'opportunité d'un appel à projet ADEME en Provence-Alpes-Côte d'Azur .

Quelle est l'histoire du projet (éléments déclencheurs, opportunités, etc.) ?

En 2015, nous nous sommes rendu compte qu'il fallait trouver une solution à ce problème, donc j'ai commencé à regarder les fichiers d'autres collectivités, les fiches actions Optigede de l'ADEME, afin de voir ce qui se faisait ailleurs dans cette thématique. Nous avons commencé à réfléchir au broyage des végétaux in situ, lorsque nous avons vu que d'autres communes l'avaient mis en place. Nous avons ensuite pu nous appuyer sur du matériel de la collectivité pour mener une expérimentation, puis nous avons découvert l'appel à projet de l'ADEME sur des solutions alternatives au brûlage des végétaux en 2016, donc nous avons saisi l'opportunité pour nous inscrire et porter le projet. Lorsque nous avons été nommés lauréat de cet appel à projet, nous avons lancé une mise en concurrence avec la rédaction d'un cahier des charges dans la deuxième moitié de l'année 2017 et confié la prestation à une association d'insertion. Enfin, le projet a été mis en œuvre en février 2018.

Sur quels critères avez-vous priorisé vos actions ?

Le critère principal est le brûlage des végétaux. Nous estimions qu’il était nécessaire de communiquer sur les alternatives à ce geste. Une association environnementale est venue à notre rencontre en 2015 pour nous parler du broyage des végétaux, au moment où je commençais à considérer cette problématique. C'est la seule demande du territoire qui est remontée jusqu'à la collectivité. On se base donc vraiment sur des critères de fonctionnement interne.

Le projet a-t-il été le fruit de concertations, d'échanges, par les parties concernées ? Par la population ?

Non, il n'y a pas eu de concertations avec le public. Il en va de même pour les parties concernées, puisque nous sommes partie prenante.

Quels sont les objectifs visés par votre action (finalité, objectifs généraux, spécifiques, opérationnels) ?

Concernant la réduction des déchets, nous n'avons pas encore de chiffres. Concernant les objectifs globaux, nous voulons réduire les brûlages, réduire les quantités de végétaux transportés et traités, assurer un service auprès du public avec une notion de proximité, ce qui s'inscrit dans la visibilité de la collectivité, dont de nombreux aspects sont à faire valoir.

Il y a aussi l'aspect d'insertion à prendre en compte : ne pouvant faire passer ce projet en régie avec notre propre personnel, nous travaillons avec une association d'insertion et ce projet peut servir de tremplin pour les personnes de cette structure qui travaillent avec nous.

Quel est le public cible du projet ?

Ce projet cible la population, les administrés d'une manière générale.

Quelles stratégies avez-vous utilisé pour mobiliser le public concerné ?

Nous avons édité un flyer qui a été distribué directement en déchetterie par les gardiens. Ils ciblaient notamment les personnes qui entraient avec des végétaux. Nous avons aussi distribué ce document dans les mairies, pour qu'il soit présenté sur les comptoirs. L'information a été diffusée sur le site internet de la CoVe, qui est partagé par une douzaine de mairies membres de la Communauté. La communication n'a pas été particulièrement importante.

Nous avons essayé de ramener le broyeur en déchetterie pour faire des démonstrations aux habitants qui s'y rendaient et leur montrer les avantages de cette méthode, par exemple avec le fait qu'elle ne génère qu'une poubelle de broyat au lieu d'une remorque pleine de déchets verts. Malheureusement, cela n'a pas du tout fonctionné, principalement parce que les gens n'avaient pas le temps. Ce n'était donc vraisemblablement pas l'endroit idéal pour réaliser une telle démonstration.

Le public a-t-il été impliqué dans la conception du projet ? Si oui, comment ?

Non, le public n’a pas été impliqué dans ce projet.

Quelle est la durée du projet ?

Le projet s’étend sur toute l’année, en revanche, nous subissons une forme de saisonnalité de manière passive puisque, durant l'hiver, les particuliers ne pratiquent quasiment pas de travaux de taille et la production de déchets verts est moindre, donc nous avons moins de demande et moins de rendez-vous. Cela ne pose pas de problème car notre partenariat avec l’association d’insertion est un marché public de prestation qui s'étale sur trois ans. La structure va donc intervenir à la demande sur cette durée. Nous leur fournissons le planning dès que nous l'obtenons et ils s'adaptent en fonction du nombre de rendez-vous. Nous facturons au nombre de rendez-vous réalisé.

Quelle est la temporalité d'un tel projet ? 

Il faut compter environ trois ans (Cf. la question sur l'histoire du projet). 

Le projet a-t-il différentes phases ? Si oui, lesquelles ?

Nous avons commencé ce projet par un service de broyage dans les collectivités, notamment dans 8 communes. Ma collègue du service de développement durable s'est chargée de cette partie du projet qui consistait à montrer sa nature aux élus. Malheureusement cette partie de l'action n'est pas maintenue pour le moment en raison d'un manque de temps de ma collègue qui se charge également d'autres projets. 

Concernant la partie à domicile : la démarche se base sur le volontariat des citoyens. 

Lorsque l'habitant nous appelle, il peut simplement se renseigner sur l'action ou fixer directement un rendez-vous. Le secrétariat des services techniques de la collectivité pose alors quelques questions et liste les obligations. Par exemple, il ne faut pas que le tas de déchets verts soit au fond d'un jardin de 2000 m². Il faut qu'il soit accessible facilement par l'équipe et le broyeur et qu'il ne soit pas enchevêtré dans des fils de fer ou des ronces. Si tous les critères sont remplis, nous estimons le volume et les échelles à partir desquels nous établissons les factures en fonction d'une grille tarifaire. Pour 1 à 6 mètres cubes, le prix est de 40 euros, entre 7 et 12 mètres cubes, le prix est de 80 euros, etc. Pour un rendez-vous consistant à broyer 6 mètres cubes de végétaux, nous payons 80 euros à l’association. De notre côté, nous récupérons 40 euros en facturant l'habitant. Cela revient donc moins cher à l'habitant ainsi qu'à la collectivité grâce à cette rétribution. Actuellement, nous estimons que cette action nous a permis d’économiser un total de 40 caisses de déchets verts, que nous aurions dû transporter, traiter, et broyer si l'ensemble des personnes qui ont fait appel à ce service en 2018 s'étaient, à la place, rendus en déchetterie. C'est donc une économie significative de moyens.

Le public participe-t-il à l'action ?

Le public participe d’une certaine manière en nous appelant pour se renseigner ou prendre un rendez-vous.

Quelles actions ont été mises en place ? Où ? Quand ? Comment ?

Lorsqu’une personne taille sa haie, par exemple, elle se retrouve avec une masse considérable de déchet végétaux. Au lieu de se rendre à la déchetterie, notre action lui permet d’appeler la CoVe et de prendre un rendez-vous. Une fois les rendez-vous fixés, la CoVe envoie le planning à l'association d'insertion qui, elle, se rend chez les personnes concernées et broie les végétaux. Ainsi, le particulier n'a pas eu besoin de déplacer les végétaux dans sa voiture. Le personnel de l'association explique ensuite au particulier comment utiliser le broyat laissé sur place, dans le jardin notamment. Cette action s’accompagne en effet d’une véritable démarche pédagogique. Le service mécanique forme les personnes de l'association à l'utilisation du broyeur. Enfin, concernant le discours à diffuser auprès des habitants, c'est l'encadrant technique de l'association qui s'en charge puisqu'il se rend toujours sur les sites de rendez-vous avec les personnes en insertion.

Quel est l'échéancier du projet ? Comment a-t-il été élaboré ?

Cf. les questions sur l'histoire et la temporalité du projet.

Quels ont été les moyens alloués au projet (budget, ressources humaines, formations, moyens techniques, etc.) ?

En termes de budget, le marché avec l'association d'insertion s'élève à 20 000 euros pour la première année. En termes de moyens humains, nous étions deux pour le montage de l'appel à projet. Ensuite nous avons dressé la consultation avec ma collègue des commandes publiques et aujourd'hui il faut compter une personne au secrétariat pour la prise des rendez-vous (ce qui correspond à un certain pourcentage de son temps de travail). En interne, le service mécanique assure l'entretien du broyeur le dernier jour de la semaine (nettoyage, vérifications...). 

Comment les expériences de terrains sont-elles remontées aux décideurs ? Aux responsables ? Aux financeurs ?

C'est en se rencontrant lors de réunions qui ont lieu 3 à 4 fois par ans que le lien se créé entre le terrain et les décideurs. Nous n'avons pas de comité de pilotage, mais nous avons des commissions qui sont en corrélation avec des compétences. Par exemple, une commission de gestion des déchets rassemble les élus de toutes les communes. Ces réunions se tiennent tous les deux à trois mois. C'est l'occasion de faire un point régulier durant lequel nous présentons des chiffres : le nombre de rendez-vous, la quantité en mètres cubes de végétaux broyés, le coût, etc.

Il y a-t-il un comité de pilotage ? Si oui, qui le compose ? Quels sont ses objectifs ?

Non, nous n'avons pas fait de comité de pilotage.

Combien de réunions du comité de pilotage avez-vous organisées ?

Aucune.

Qui a été le coordinateur du projet ? A-t-il différents rôles dans la structure ?

Nous étions deux, mais je me suis chargée du projet de broyage à domicile et ma collègue s'est occupée de la partie dédiée aux communes. Je ne travaille pas sur ce projet à temps plein car j'ai toute la responsabilité du département de gestion des déchets.

Quels sont vos partenaires ? Quel rôle ont-ils joué dans le projet (opérationnel, financier, consultatif) ? Comment ont-ils rejoint ce projet ?

Nous rencontrons et discutons régulièrement avec l’association d’insertion qui est notre partenaire opérationnel. L'ADEME et la Région sont nos partenaires financiers et nous ont aidé à mettre en valeur l'opération.

Qui fait quoi ?

Cf. la question sur les actions mises en place.

Comment avez-vous évalué votre projet ? / Qu'avez-vous évalué (résultats, processus) ?

Nous menons actuellement une évaluation économique, mais il est plus difficile de mener une évaluation écologique. 

Qui a évalué ?

Je me charge de cette évaluation.

Quand l'évaluation a-t-elle lieu ?

Nous avons fixé l'évaluation à une fois par an, en fin d'année, mais nous collectons aussi des données significatives tous les trois mois.

Quels ont été les résultats (quantitatifs et qualitatifs) de l'évaluation ?

L'évaluation est encore en cours, il n'y a donc pas encore beaucoup de données. Nous dénombrons un total de 230 rendez-vous entre fin février et fin décembre 2018. Cela correspond donc à l'équivalent de 40 caissons de déchets végétaux évités.

Avez-vous observé des effets inattendus (émergence d'une autre problématique, nouveaux partenariats, etc.) ?

Nous avons été surpris par le fait que notre action se diffuse beaucoup par bouche à oreille car nous pensions devoir communiquer beaucoup plus à son sujet, ce qui ne s'est pas avéré nécessaire. Nous pensions aussi que de nombreuses personnes nous appelleraient, à la suite des broyages, pour nous demander des composteurs individuels que nous distribuons contre une participation modeste de 20 euros. Hélas, cet effet de "boost", que nous pensions être une suite logique à notre action, ne s'est pas fait ressentir. Il est possible que les habitants fassent leurs composteurs eux-mêmes mais cela reste difficile à vérifier et à quantifier.

Si un autre territoire souhaitait reproduire votre action, quels conseils lui donneriez-vous ?

Dans le cas où ce territoire serait, comme nous, incapable de mener ce projet uniquement en régie, il est important qu’il choisisse l'association ou l'entreprise avec laquelle il souhaite travailler. Nous nous sommes assurés de ne pas créer une forme de concurrence déloyale à l'encontre des entreprises de gestion des espaces verts. Mais notre activité n'étant pas nécessairement proposée par ces dernières et nos prix étant corrects, ce problème ne s'est pas posé. Je conseillerais également de mettre en place un règlement qui permette de présenter clairement la démarche depuis la prise de rendez-vous jusqu'à l'intervention sur place, pour éviter toute confusion. Cela permet de s'assurer que le citoyen sait, par exemple, que le broyat reste chez lui, etc.

Avez-vous identifié des points sur lesquels vous souhaiteriez évoluer et vous améliorer ?

Oui, nous souhaitons justement nous améliorer sur la clarté de la présentation de notre action. C'est pour cette raison que nous mettons actuellement en place le règlement susmentionné. Nous aimerions aussi réitérer la démonstration des avantages de notre action, mais dans un lieu autre qu'une déchetterie, qui s'est finalement avérée ne pas être idéale pour une telle action de communication.

Pouvez-vous identifier un ou plusieurs moments clés attribuables à la réussite de votre projet ?

Lorsque nous avons présenté ce projet à d'autres collectivités du Vaucluse, nous avons eu des retours positifs sur le caractère innovant de cette action qui nous ont grandement encouragé dans notre démarche. Je dirais qu'une bonne gestion du budget et une bonne organisation opérationnelle de l'action sont les grands éléments clés à la réussite de ce projet.

Comment le public a-t-il été informé de votre action ?

Le public a été informé de notre action principalement par le biais des flyers distribués en déchetteries et mis à disposition dans les mairies. Les informations diffusées sur les sites internet des communes et le bouche à oreille ont également joué un rôle. 

Avez-vous valorisé votre action ? Auprès de qui ? Comment ?

Nous sommes intervenus il y a peu de temps lors du colloque régional de France nature environnement (FNE), qui est une association environnementale d'envergure, laquelle nous a invité pour parler de ce sujet. Nous avons organisé des ateliers avec la Région, soit dans le cadre de l'écriture du Plan régional de prévention et gestion des déchets (PRPGD), soit à l'échelle plus locale, dans les systèmes, qui sont des sous-régions.

Bibliographie

La CoVe


Généralités


Point méthodo : Partenariat

Mobilisation et engagement des acteurs locaux, pp. 65-84
In : Cécile You, Roselyne Johanny, Christine Ferron (et al.), Intervenir localement en promotion de la santé : les enseignements de l’expérience du pays de Redon-Bretagne Sud. Sept fiches pour accompagner le renforcement des capacités d'action en faveur de la santé et du bien-être de la population, EHESP, 2017-09, 188 p.

9. Analyser les parties prenantes pour favoriser le partenariat, pp. 34-36
Lise Renaud, Ginette Lafontaine, In : Intervenir en promotion de la santé à l'aide de l'approche écologique. Guide pratique, 2ème édition, REFIPS, 2019, 42 p.

Partager sur